El Nido ... pourquoi grandis-tu si vite ?

27 décembre 2016


Chère Fay ... si tu savais comment El Nido a grandi ! Méconnaissable. En si peu de temps, un visage nouveau, greffé aux traits de la petite bourgade un peu bordélique, un peu brouillon d'il y a à peine quatre ans ! Elle avait pourtant gardé le charme d'un petit recoin reculé, plongé dans un décor de rêve, que les pêcheurs nous emmenaient découvrir par petits groupes de touristes avides d'ailleurs.

À présent grouillante. Presque dévisagée par un tourisme explosif. 

Mais comment lui en vouloir de cet essor effréné ? ...


... à ce petit coin de paradis, vanté par tous ces guides, ces séries de télé réalité où on nous vend le bout du monde.

Dans ce petit bout de monde, on y arrive de partout. On y vient avec nos envie de dépaysement, d'oubli de réalités qui sont plus froides, plus contraignantes, ... et on s'y lache. Et on oublie. On veut le dépaysement, de l'ailleurs, de l'autrement, et trop de choses en même temps. On y vient le portefeuille débordant de ce que la vie en occident nous permet d'accumuler. Et nous venons nous échouer ici. Dans une réalité où, jusqu'il y a peu, il n'y avait pas toujours l'électricité, surement pas internet, quelques hébergements, et peut être pas même la conscience qu'un autre monde plus connecté, plus matériel existait quelque part ...  

Les rues à présent grouillent de passants aux dégaines de vacanciers. On s'y promène en bikini, torse nu. On cherche des tours paradisiaques, des massages, de la bibine à trois franc six sous, on veut de l'autre chose, de l'autrement, et on sait que le local peut nous les apporter sur un plateau d'argent. Et nous transformons ainsi leur quotidien en des possibilités nouvelles : s'enrichir, "prospérer", comme la prospérité que l'on représente ... même si dans nos petits coins de monde nous ne sommes intérieurement peut être pas si prospères que cela... 

El Nido, à présent, c'est toujours le merveilleux archipel des Bacuit, et la gentillesse de ses habitants à chaque coin de rue. Mais c'est aussi des échoppes à en perdre le compte, de l'alcool qui coule sur fond de mer qui roucoule, des constructions qui s'élèvent si vite et si loin, la route de Corong-Corong  méconnaissable bordée d'établissements, des paysages de carte postale côté face et des hordes de touristes photographiant dans une même direction côté pile, des tours en bangka bondés de touristes : 14, 15, 16, 17 passagers ... et la mer qui nous berce comme ses déchets flottants.

Tu te souviens de la secret beach ? ... cette plage secrète cachée derrière les falaises, à laquelle on accède par un petit trou dans la roche. On se retrouvait alors dans un coin de paradis. Seuls au monde, tout petits face à cette beauté que la nature a su sculpter. On s'imaginait alors Alex Garland, y rechercher de l'inspiration alors qu'il écrivait "la plage"; isolé, avec comme seule mélodie les soupirs de la nature ... À présent, ce sont d'autres bruits, et un autre paysage qui s'offre à nous : "GO GO GO GO GO !" crie un guide qui, posté à l'entrée de la cavité pour accéder à la plage, jette les touristes d'un côté à l'autre du passage. Il régule le trafic. Une fois arrivés de l'autre côté, avant l'émerveillement, on essaye de se frayer un chemin, et, ballotés par la mer, on est plus occupés à éviter la collision qu'à savourer la surprise. Enfin, on la voit, cette secret beach, ce magnifique trésor de nature caché. Mais très vite on revient à la réalité : on entend du français, de l'italien, du chinois, de l'anglais, on cherche une place, pour se poser. On trouve une place, et on fait vite des photos "pas celle-là il y a quelqu'un ! Celle-là non plus, il y a les autres là, derrière ! De ce côté, t'as fait ce côté là ? Et là ? Fais-en une là !"... et là. Et las. Lorsque, finalement, on essaie alors de s'abandonner, notre guide, nous rappelle à l'ordre : "GO ! We go back !" Et oui, les vingt ou trente minutes qui nous sont concédées ici se sont déjà écoulées ! Déjà ?! ...       

Face : c'est une évolution. Mais côté pile ? Et à quel prix ? Est-ce bien ? Est-ce mal ? Pas de grande certitude là-dessus. Ce qui est sûr cependant c'est que l'on pourrait faire mieux. Pour éviter que le touriste devienne une marchandise comme une autre, que les locaux des éléments d'un package touristique, pour que la nature sculptée depuis la nuit des temps ne soit pas jetée en pâture à un tourisme inconscient, pour ..., pour ..., pour ...
...
...
...

Et puis surtout : "El Nido, tu ne seras jamais plus comme avant ..."  

2 commentaires:

  1. Oooh c'est trop triste. Tout le monde veut un bout du paradis et cela se transforme vite en poubelle. Comme tu le dis, on ne peut pas leur en vouloir de répondre à la demande. Il faudrait créer une conscience chez les touristes. Il y a du boulot. En tout cas, on garde nos souvenirs c'est déjà ça. Gros bisous à vous deux

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    1. C'est exactement ça : la demande explose et la nature fait partie intégrante de l'offre ... on croise les doigts pour que des consciences s'éveillent ainsi que l'éducation à l'environnement et à une gestion raisonnée...il y a tellement de possibilités pour un tourisme plus soutenable !

      Depuis la route, perchée sur mon vélo, je l'ai cherché le resort dans lequel on logeait sur la plage de Corong-Corong : impossible de retomber dessus : les établissements à présent se succèdent ... on a même entendu parler de la construction d'un mall un peu plus loin ... j'espère que ce ne sont que des ragots ! De plus il y a une émission de télé réalité à la survivor qu'ils tournent dans l'archipel (un des plus beaux spots du tour C était d'ailleurs fermés car "chuuuuuut ...ça tourne") ... ça va attirer encore plus de touristes en peu de temps ... croisons les doigts ...

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